SECTION AIDEZ-MOI

La transmission directe des coûts des intrants importés et de l’énergie aux prix de production : un impact très variable d’une entreprise à l’autre – Insee Analyses

Les prix de production ont fortement augmenté à partir de début 2021

Après plusieurs décennies d’une inflation stable et modérée, l’Europe connaît à nouveau
une inflation élevée, caractérisée notamment par une hausse marquée du prix des biens.
Les prix de production des biens manufacturés hors produits du raffinage ont augmenté
de 17 % en France en un an et demi entre le premier trimestre 2021 et le deuxième
trimestre 2022, soit une augmentation équivalente à celle des 16 années précédentes,
entre janvier 2005 et décembre 2020.

La hausse récente des prix à la production est souvent expliquée par la concomitance
d’une forte demande de biens à la suite de la pandémie et d’une hausse du coût des
intrants, en particulier des prix de l’énergie et des prix des biens importés. De
fait, en France, entre le premier trimestre 2021 et le deuxième trimestre 2022, les
prix des biens intermédiaires importés ont augmenté de 32 %, ceux des trois principales
sources d’énergie pour les entreprises – électricité, gaz et produits pétroliers –
de 15 %, 110 % et 148 % respectivement (figure 1). Ces deux facteurs ont joué un grand rôle dans l’augmentation des prix de production
des biens manufacturés en France.

Figure 1 – Évolutions des prix de production des biens manufacturés, de l’énergie
et des importations de biens intermédiaires

base 100 en janvier 2018

Figure 1 – Évolutions des prix de production des biens manufacturés, de l’énergie
et des importations de biens intermédiaires (base 100 en janvier 2018) – Lecture : en septembre 2021, l’indice des prix de production
était 10,0 % au-dessus de son niveau de janvier 2018.
Date Indice de prix de production Importations de biens intermédiaires Électricité Gaz Produits pétroliers
2018 janv. 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0
fév. 100,0 100,0 98,7 99,0 94,3
mars 100,2 100,2 96,1 97,9 95,8
avril 99,4 100,6 97,9 102,5 104,4
mai 100,1 101,0 105,9 105,8 113,7
juin 100,1 101,7 109,1 107,2 112,4
juil. 100,7 101,6 108,1 106,9 113,3
août 101,1 101,7 107,7 104,0 114,8
sept. 101,6 101,8 108,4 111,2 117,6
oct. 101,9 102,3 110,1 105,5 122,4
nov. 102,4 102,3 112,8 107,9 107,9
déc. 101,4 101,5 108,8 105,6 93,8
2019 janv. 101,7 101,2 106,9 103,2 94,1
fév. 102,2 101,6 110,6 101,7 102,3
mars 102,1 101,9 110,3 103,1 106,0
avril 101,2 102,1 111,3 102,4 112,3
mai 100,7 102,0 111,1 94,9 112,8
juin 100,1 101,8 115,5 96,9 101,5
juil. 100,5 101,4 115,6 96,1 105,3
août 100,6 101,3 116,2 96,1 99,9
sept. 100,7 101,4 116,9 92,3 104,5
oct. 100,5 101,2 120,0 91,6 101,6
nov. 101,9 100,7 125,3 94,8 101,2
déc. 102,0 100,4 122,4 93,2 103,2
2020 janv. 101,8 100,2 121,5 91,8 101,6
fév. 101,1 100,5 118,8 85,5 92,5
mars 99,5 99,6 113,9 81,1 61,5
avril 96,8 98,7 116,1 83,1 40,3
mai 96,8 97,9 117,6 82,2 48,6
juin 97,5 97,9 119,6 82,6 60,9
juil. 97,9 97,8 117,6 81,1 66,9
août 98,0 97,6 117,8 80,3 65,2
sept. 98,3 97,7 118,5 82,5 60,6
oct. 98,3 97,8 120,8 82,2 61,0
nov. 99,9 98,4 123,6 85,3 63,1
déc. 101,1 98,9 125,4 88,4 71,4
2021 janv. 102,2 100,9 125,2 90,1 78,9
fév. 103,2 102,8 124,9 89,0 86,9
mars 104,2 104,7 121,0 90,0 92,1
avril 103,4 106,9 122,7 88,6 91,5
mai 103,8 109,2 123,2 90,9 94,7
juin 105,2 111,2 123,3 93,8 101,7
juil. 106,9 113,4 123,4 101,7 106,6
août 108,1 114,8 121,0 106,1 107,2
sept. 110,0 115,5 121,5 109,9 111,4
oct. 113,3 117,2 124,2 129,0 127,2
nov. 117,7 119,0 128,3 145,8 125,5
déc. 119,6 120,4 139,0 153,2 118,4
2022 janv. 125,5 124,1 146,0 177,7 135,8
fév. 126,5 126,0 146,5 174,1 150,5
mars 132,4 130,5 158,4 169,9 194,0
avril 132,4 135,4 151,6 203,8 192,1
mai 132,0 136,8 141,8 184,9 210,4
juin 133,8 135,3 132,1 176,4 236,5
  • Note : indices de prix de l’électricité et du gaz vendus aux entreprises consommatrices
    finales. Le prix de l’électricité est désaisonnalisé.
  • Lecture : en septembre 2021, l’indice des prix de production était 10,0 % au-dessus
    de son niveau de janvier 2018.
  • Champ : France. Séries 010534442, 010535822, 010534769, 010534775, 010536078.
  • Source : Insee, Indices de prix à l’importation et à la production.

Figure 1 – Évolutions des prix de production des biens manufacturés, de l’énergie
et des importations de biens intermédiaires

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  • Note : indices de prix de l’électricité et du gaz vendus aux entreprises consommatrices
    finales. Le prix de l’électricité est désaisonnalisé.
  • Lecture : en septembre 2021, l’indice des prix de production était 10,0 % au-dessus
    de son niveau de janvier 2018.
  • Champ : France. Séries 010534442, 010535822, 010534769, 010534775, 010536078.
  • Source : Insee, Indices de prix à l’importation et à la production.

Derrière cette inflation récente, des ajustements plus fréquents et de plus grande
ampleur

La hausse des prix à la production des biens manufacturés depuis janvier 2021 provient
d’ajustements de prix à la fois plus fréquents et de plus grande ampleur. Avant 2021,
les prix connaissent une revue à la hausse en moyenne tous les trois mois. Depuis,
la fréquence s’est accélérée. La part des produits dont le prix augmente passe ainsi
en moyenne de 28 % par mois entre janvier 2018 et décembre 2020 à 39 % entre janvier 2021
et juin 2022 (figure 2).

Figure 2 – Fréquence et ampleur des ajustements des prix à la hausse

en %

Figure 2 – Fréquence et ampleur des ajustements des prix à la hausse (en %) – Lecture : en juin 2022, le prix a augmenté pour 40,6 % des produits enquêtés,
de 1,71 % en moyenne. L’indice de prix de production a augmenté de 1,32 %.
Date Part des changements de prix positifs Taille des changements de prix positifs Variation mensuelle de l’indice de prix de production
2018 fév. 26,5 0,64 0,07
mars 29,2 0,77 0,16
avril 29,9 0,73 0,10
mai 28,2 0,72 0,21
juin 26,5 0,58 -0,09
juil. 28,4 0,71 0,10
août 28,8 0,69 0,13
sept. 26,7 0,73 0,00
oct. 30,1 0,76 0,02
nov. 27,6 0,63 0,08
déc. 26,8 0,73 -0,02
2019 janv. 37,1 1,07 0,01
fév. 28,0 0,66 0,02
mars 26,8 0,72 0,10
avril 26,2 0,75 -0,01
mai 26,8 0,61 0,08
juin 27,5 0,65 0,00
juil. 26,6 0,70 -0,08
août 27,6 0,65 0,04
sept. 26,9 0,76 -0,07
oct. 26,6 0,75 0,02
nov. 26,6 0,71 0,03
déc. 25,5 0,68 0,15
2020 janv. 32,5 1,00 -0,16
fév. 28,4 0,69 0,01
mars 29,1 0,75 -0,10
avril 31,0 0,85 -0,15
mai 24,8 0,74 -0,28
juin 25,0 0,69 0,10
juil. 24,2 0,78 0,01
août 26,0 0,60 -0,05
sept. 29,0 0,74 0,02
oct. 30,1 0,82 0,21
nov. 25,8 0,60 0,06
déc. 30,6 0,83 0,31
2021 janv. 36,1 1,01 0,11
fév. 31,1 0,94 0,48
mars 34,9 1,08 0,57
avril 37,0 1,36 0,76
mai 34,1 1,05 0,66
juin 34,4 1,14 0,49
juil. 42,3 1,46 0,96
août 32,4 0,96 0,45
sept. 35,8 1,19 0,56
oct. 39,8 1,43 1,01
nov. 35,9 1,25 0,93
déc. 35,3 1,11 0,44
2022 janv. 53,9 3,03 2,47
fév. 42,0 1,50 1,15
mars 43,3 1,89 2,06
avril 49,6 2,70 2,88
mai 43,8 1,97 1,58
juin 40,6 1,71 1,32
  • Lecture : en juin 2022, le prix a augmenté pour 40,6 % des produits enquêtés, de 1,71
    % en moyenne. L’indice de prix de production a augmenté de 1,32 %.
  • Champ : produits de l’enquête Opise dans l’industrie, hormis les catégories suivantes :
    industries extractives, tabac, cokéfaction-raffinage, produits énergétiques, eau et
    traitement des eaux usées et collecte des déchets.
  • Source : Insee, enquête Opise, calculs des auteurs.

Figure 2 – Fréquence et ampleur des ajustements des prix à la hausse

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  • Lecture : en juin 2022, le prix a augmenté pour 40,6 % des produits enquêtés, de 1,71
    % en moyenne. L’indice de prix de production a augmenté de 1,32 %.
  • Champ : produits de l’enquête Opise dans l’industrie, hormis les catégories suivantes :
    industries extractives, tabac, cokéfaction-raffinage, produits énergétiques, eau et
    traitement des eaux usées et collecte des déchets.
  • Source : Insee, enquête Opise, calculs des auteurs.

Plus une entreprise est exposée au renchérissement de ses coûts variables de production
(ses salaires et ses consommations intermédiaires), plus la probabilité qu’elle augmente
ses prix de vente augmente. Une hausse de 10 % des coûts un mois donné due à la hausse
des prix des intrants importés (hors énergie) augmente la probabilité d’augmenter
ses prix de vente ce mois-là de 16 points de pourcentage, tandis qu’une hausse de
10 % due au renchérissement de l’énergie augmente la fréquence d’ajustement de 18 points
(méthodes). Autrement dit, une hausse des coûts de 10 % réduit de 60 % à 70 % la durée entre
deux changements de prix à la hausse. Ainsi, dans une période de forte augmentation
des coûts, les entreprises reconsidèrent leurs prix plus fréquemment, ce qui explique
en partie pourquoi la fréquence d’ajustement des prix à la hausse a augmenté entre
2021 et 2022.

De plus, quand les coûts de production augmentent fortement, non seulement les prix
de vente sont plus souvent modifiés, et plus souvent à la hausse, mais l’ampleur moyenne
des hausses de prix augmente aussi. Celle-ci passe de 0,7 % de mars 2018 à décembre 2020
à 1,5 % entre janvier 2021 et juin 2022, soit un doublement.

Sur la période étudiée, une transmission aux prix de vente de la moitié des hausses
de coûts importés hors énergie mais une répercussion complète, voire un peu au-delà,
des hausses des coûts de l’énergie

En moyenne, quand une entreprise modifie ses prix de vente, elle répercute 30 % des
changements de coûts provenant d’intrants importés qui ont eu lieu depuis la dernière
modification de prix (figure 3, méthodes). Toutefois, les prix de vente sont ajustés différemment selon que les coûts évoluent
à la hausse ou à la baisse. Lorsque les coûts des intrants importés augmentent, les
entreprises répercutent près de la moitié de la hausse sur le prix de leurs produits.
En revanche, sur la période étudiée, les entreprises n’ajustent pas les prix de vente
à la baisse lorsque le prix des intrants importés diminue. La période est caractérisée
par une tendance à la hausse des coûts, et des hausses fortes plus fréquentes que
des baisses fortes, ce qui peut expliquer une transmission plus grande des hausses
que des baisses.

Figure 3 – Taux de transmission au prix de vente des variations du coût de production
liées aux coûts importés et aux prix de l’énergie

en %

Figure 3 – Taux de transmission au prix de vente des variations du coût de production
liées aux coûts importés et aux prix de l’énergie (en %) – Lecture : si les évolutions du prix de l’énergie augmentent les coûts de
production de 1 %, le prix de vente augmente de 1,07 %, avec un intervalle de confiance
à 95 % entre 0,79 % et 1,36 %.
Intrants importés Énergie
Taux de transmission Borne inférieure Borne supérieure Taux de transmission Borne inférieure Borne supérieure
Transmission moyenne des variations de coûts 0,30 0,17 0,44 1,07 0,79 1,36
Transmission des hausses de coûts 0,47 0,26 0,68 1,27 0,93 1,61
Transmission des baisses de coûts 0,06 -0,08 0,20 0,58 0,14 1,02
  • Note : intervalles de confiance à 95 %.
  • Lecture : si les évolutions du prix de l’énergie augmentent les coûts de production
    de 1 %, le prix de vente augmente de 1,07 %, avec un intervalle de confiance à 95 %
    entre 0,79 % et 1,36 %.
  • Champ : entreprises de l’enquête Opise entre 2018 et 2022, enquêtées sur leurs prix
    de ventes domestiques, et sur leurs prix d’importations ou présentes dans l’EACEI.
    Hors produits des catégories suivantes : industries extractives, tabac, cokéfaction-raffinage,
    produits énergétiques, eau et traitement des eaux usées et collecte des déchets.
  • Source : Insee, enquête Opise, EACEI, Indices de prix à l’importation et à la production,
    calculs des auteurs.

Figure 3 – Taux de transmission au prix de vente des variations du coût de production
liées aux coûts importés et aux prix de l’énergie

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  • Note : intervalles de confiance à 95 %.
  • Lecture : si les évolutions du prix de l’énergie augmentent les coûts de production
    de 1 %, le prix de vente augmente de 1,07 %, avec un intervalle de confiance à 95 %
    entre 0,79 % et 1,36 %.
  • Champ : entreprises de l’enquête Opise entre 2018 et 2022, enquêtées sur leurs prix
    de ventes domestiques, et sur leurs prix d’importations ou présentes dans l’EACEI.
    Hors produits des catégories suivantes : industries extractives, tabac, cokéfaction-raffinage,
    produits énergétiques, eau et traitement des eaux usées et collecte des déchets.
  • Source : Insee, enquête Opise, EACEI, Indices de prix à l’importation et à la production,
    calculs des auteurs.

Les marges absorberaient à court terme jusqu’à 50 % de la hausse du coût marginal
due à une montée des coûts importés. Une telle absorption des hausses de coûts de
production via les marges de l’entreprise peut s’expliquer par un arbitrage entre préservation des
marges et compétitivité : la structure des intrants importés est en effet très différente
d’une entreprise à l’autre, y compris au sein d’une même branche. Confrontées à une
hausse des coûts de production, les entreprises les plus affectées peuvent choisir
de réduire leurs marges plutôt que de perdre en compétitivité face à des concurrents
moins touchés. Une autre possibilité est que des phénomènes de lissage temporel interviennent
lorsque les hausses de coûts sont perçues comme pouvant comporter une composante temporaire,
ou en présence de stocks.

Par ailleurs, les prix s’ajustent plus fortement lorsque la hausse des coûts concerne
les prix de l’énergie. Les évolutions des prix de l’énergie affectent en effet toutes
les entreprises, même si l’exposition des entreprises à ces fluctuations est, elle,
hétérogène. Le taux de transmission des coûts de l’énergie est intégrale mais, là
aussi, elle est asymétrique. Sur la période de 2018 à mi-2022, les entreprises répercutent
seulement 58 % des baisses. Elles répercutent en revanche complètement, voire un peu
au-delà (127 %), des hausses de coûts énergétiques (il n’est cependant pas possible
d’exclure statistiquement que la transmission soit limitée à 100 %). Une hausse des
coûts de l’énergie suivie d’une baisse de même ampleur ne ramènerait donc pas les
prix de vente à leur niveau initial.

Une transmission supérieure à 100 % des hausses des coûts de l’énergie peut traduire
un phénomène d’anticipation : si les hausses de coûts sont perçues comme pouvant s’intensifier
dans les mois à venir, les entreprises peuvent choisir d’en répercuter une partie
en avance. Une autre possibilité est que ce taux de transmission reflète non seulement
l’augmentation des coûts de l’énergie directement payés, mais aussi la hausse des
coûts des autres intrants de production induite par l’augmentation des prix de l’énergie.

Une exposition aux prix de l’énergie et aux coûts importés hors énergie très variable
entre entreprises

Les augmentations de prix de production sont très variables d’une entreprise à l’autre
du fait de la forte hétérogénéité des expositions à ces deux types de choc. Par exemple,
pour les 5 % d’entreprises dont la production est la plus intensive en énergie, celle-ci
représente plus de 10 % des coûts tandis que pour les 5 % les moins intensives, la
dépendance énergétique est trente fois moindre (0,3 % en moyenne). En outre, le mix
énergétique varie fortement selon les entreprises, ce qui affecte leur exposition
aux variations de prix des différentes sources d’énergie, électricité, gaz ou pétrole.
Ces disparités sont encore plus marquées dans l’utilisation d’intrants importés. En
effet, certaines entreprises n’en utilisent pas directement, alors qu’ils représentent
plus de 62 % des coûts pour les entreprises les plus exposées. De plus, chaque entreprise
utilise des intrants différents achetés auprès de fournisseurs variés. L’exposition
aux chocs de prix des intrants importés est par conséquent très variable.

Ainsi entre le premier trimestre 2021 et le deuxième trimestre 2022, pour le centième
des entreprises les plus affectées, les variations cumulées de prix de l’énergie et
des intrants importés augmentent en moyenne les prix de vente de plus de 21 points
de pourcentage. En revanche, pour la moitié des entreprises les moins touchées, cette
hausse des prix de vente est de moins de 2,2 points.

En moyenne, entre le premier trimestre 2021 et le deuxième trimestre 2022, les taux
de transmission estimés permettent de rendre compte de 3,5 points de pourcentage d’augmentation
de l’indice de prix de production au sein des industries manufacturières, hors industries
de l’énergie. Ce chiffre ne reflète cependant que la transmission directe des hausses
aux prix de vente et ne peut donc être assimilé à l’effet total des hausses de coût
considérées. En effet, d’une part, les entreprises peuvent continuer de répercuter
ces hausses lors des changements de prix de vente ultérieurs. D’autre part, cette
modélisation n’inclut que l’impact des variations de coûts sur les prix de production
des entreprises directement exposées. Elle ne tient pas compte des effets de second
tour transitant par la répercussion le long de la chaîne de valeur ainsi que par les
coûts salariaux [Bourgeois et Lafrogne-Joussier, 2022]. Toutefois, la modélisation rend compte de la forte hétérogénéité d’exposition des
industries au renchérissement des coûts.

Une forte disparité d’exposition entre branches d’activité, mais aussi au sein des
branches

Dans la majorité des secteurs, la hausse des prix induite par l’évolution des prix
des intrants importés hors énergie est inférieure à 1 point de pourcentage. Certaines
industries sont cependant plus touchées que d’autres, car plus exposées à ces hausses.
Le textile et les produits chimiques, dont les coûts de production sont composés en
moyenne respectivement à 56 % et à 50 % d’intrants importés, sont plus touchés : la
hausse des prix d’intrants importés hors énergie conduit à une augmentation des prix
de vente respectivement de 3,0 points et 8,2 points (figure 4a). L’industrie métallurgique et l’industrie du papier, également assez fortement exposées
en moyenne aux intrants importés (à hauteur respectivement de 38 % et de 41 % de leurs
coûts de production), connaissent aussi de fortes hausses induites des prix de vente,
de respectivement +6,2 et de +2,8 points.

Comme pour les intrants importés, le renchérissement de l’énergie n’a qu’un impact
modéré, inférieur à 1 point de pourcentage, dans la majorité des secteurs dont la
consommation énergétique est faible, comme les industries du cuir ou de l’habillement (figure 4b). Certaines industries, les industries du papier (hausse de 2,5 points), de la métallurgie
(+3,3 points), des produits minéraux (+5,4 points) et des produits chimiques (+5,7 points),
ont néanmoins connu une hausse des prix plus marquée en réponse à la hausse des coûts
de l’énergie. L’impact un peu plus fort sur ces industries s’explique par leur exposition
plus grande que la moyenne aux variations des prix de l’énergie : par exemple, dans
l’industrie chimique, l’énergie représente 5 % des coûts variables de production.
De plus, les entreprises sont très diversement exposées au sein d’une même industrie :
la dispersion des hausses de prix de vente est en effet plus élevée au sein d’une
industrie qu’entre industries.

Figure 4a – Évolutions des prix de production induites par les changements de coûts
importés, par industrie

en points de pourcentage

Figure 4a – Évolutions des prix de production induites par les changements de coûts
importés, par industrie (en points de pourcentage) – Lecture : l’évolution des coûts importés pour l’industrie
métallurgique a augmenté les prix de production de l’industrie métallurgique de 6,2
points de pourcentage. Pour les 10 % des entreprises les moins touchées de ce secteur,
cette augmentation est inférieure à 0,95 point. Pour les 10 % les plus touchées, cette
augmentation est supérieure à 13,1 points.
Produits Hausse induite par le prix des intrants importés
Premier décile Moyenne sectorielle Dernier décile
Chimie 1,00 8,20 15,00
Métallurgie 0,95 6,20 13,00
Textiles 0,42 3,00 5,00
Papier, carton 0,61 2,80 7,80
Produits métalliques 0,31 2,10 4,50
Bois 0,32 1,80 4,90
Meubles 0,70 1,80 2,70
Alimentation 0,09 1,50 6,10
Plastique, caoutchouc 0,27 1,30 2,80
Minéraux 0,13 1,10 3,90
Équipements électriques 0,17 0,88 2,30
Cuir 0,53 0,79 2,40
Autres 0,02 0,75 1,60
Machines et équipements 0,10 0,70 1,50
Boissons 0,05 0,62 1,70
Automobile 0,08 0,50 1,20
Habillement 0,08 0,46 0,86
Matériels de transport 0,02 0,32 0,99
Informatique, électronique 0,05 0,27 0,60
Pharmaceutique 0,07 0,11 0,17
  • Note : la moyenne est pondérée par le poids des entreprises dans l’indice de prix
    de production. Elle représente l’augmentation moyenne du prix de vente des entreprises
    dans l’industrie concernée.
  • Lecture : l’évolution des coûts importés pour l’industrie métallurgique a augmenté
    les prix de production de l’industrie métallurgique de 6,2 points de pourcentage.
    Pour les 10 % des entreprises les moins touchées de ce secteur, cette augmentation
    est inférieure à 0,95 point. Pour les 10 % les plus touchées, cette augmentation est
    supérieure à 13,1 points.
  • Champ : entreprises de l’enquête Opise entre 2018 et 2022, enquêtées sur leurs prix
    de ventes domestiques, et sur leurs prix de d’importations ou présentes dans l’EACEI.
    Hors produits des catégories suivantes : industries extractives, tabac, cokéfaction-raffinage,
    produits énergétiques, eau et traitement des eaux usées et collecte des déchets.
  • Source : Insee, enquête Opise, EACEI, Indices de prix à l’importation et à la production,
    calculs des auteurs.

Figure 4a – Évolutions des prix de production induites par les changements de coûts
importés, par industrie

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  • Note : la moyenne est pondérée par le poids des entreprises dans l’indice de prix
    de production. Elle représente l’augmentation moyenne du prix de vente des entreprises
    dans l’industrie concernée.
  • Lecture : l’évolution des coûts importés pour l’industrie métallurgique a augmenté
    les prix de production de l’industrie métallurgique de 6,2 points de pourcentage.
    Pour les 10 % des entreprises les moins touchées de ce secteur, cette augmentation
    est inférieure à 0,95 point. Pour les 10 % les plus touchées, cette augmentation est
    supérieure à 13,1 points.
  • Champ : entreprises de l’enquête Opise entre 2018 et 2022, enquêtées sur leurs prix
    de ventes domestiques, et sur leurs prix de d’importations ou présentes dans l’EACEI.
    Hors produits des catégories suivantes : industries extractives, tabac, cokéfaction-raffinage,
    produits énergétiques, eau et traitement des eaux usées et collecte des déchets.
  • Source : Insee, enquête Opise, EACEI, Indices de prix à l’importation et à la production,
    calculs des auteurs.

Ainsi, malgré une hausse des prix de vente induite par le renchérissement des intrants
importés restée limitée à 1,5 point de pourcentage en moyenne dans l’industrie alimentaire,
pour un dixième des entreprises de cette industrie, cette hausse dépasse 6,1 points.
Vu sous un autre angle, si certains secteurs d’activités apparaissent plus touchés,
c’est en partie parce qu’une fraction d’entreprises y sont fortement exposées au renchérissement
des coûts de production. Par exemple, les 10 % des entreprises les plus exposées de
l’industrie chimique ou de la métallurgie augmentent leur prix de plus de 13 points,
alors que les 10 % les plus exposées de l’industrie pharmaceutique ne génèrent une
hausse que de 0,2 point. L’exposition aux coûts énergétiques est elle aussi hétérogène.
Un dixième des entreprises dans l’industrie chimique connaissent des hausses de prix
de vente de plus de 15 points, soit cinquante fois plus que les 10 % les moins touchées.

Publication rédigée par : Raphaël Lafrogne-Joussier (Insee et CREST – École polytechnique), Julien Martin (Université
du Québec à Montréal et CEPR) et Isabelle Méjean (Sciences-Po et CEPR)

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